Urgence climatique en Afrique : à l’heure des solutions d’adaptation

Urgence climatique en Afrique : à l’heure des solutions d’adaptation

À l’heure où les décideurs du monde entier se retrouvent à Charm el-Cheikh en Égypte pour la 27e conférence des Nations unies sur le climat (COP27), le changement climatique touche le continent africain, du Maroc à l’Afrique du Sud en passant par le Sénégal et l’Éthiopie. Selon les scientifiques et au vu de l’actualité, la situation est telle que l’expression « urgence climatique » ne suffit plus à la qualifier. Face à la sécheresse et les inondations, les pays africains doivent revoir leurs stratégies en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, même s’ils sont confrontés à l’épineuse question du financement…

Selon les prévisions de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), la sècheresse qui touche la Corne de l’Afrique actuellement devrait se prolonger pour la 5e année consécutive. Dans cette partie de l’Afrique, la sécheresse a causé le déplacement de millions de personnes, principalement dans le nord du Kenya, en Éthiopie et surtout en Somalie. Selon les scientifiques, cette situation est causée par La Niña.

Encore mal connu, ce phénomène climatique se manifeste par la diminution des températures à la surface des eaux de l’est de l’océan Pacifique, autour de l’équateur. Conséquence, le nombre de cyclones augmente dans le Pacifique et la sécheresse s’intensifie en Amérique du Sud et en Afrique de l’Est. La Somalie, l’Éthiopie et le Kenya sont les pays africains les plus exposés à ces phénomènes. En Afrique, le réchauffement climatique devrait accentuer ce phénomène au cours des prochaines années, d’où la nécessité de mettre en place des moyens d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, y compris en Afrique du Nord et en Afrique australe où la sécheresse provoque le stress hydrique.

Quels mécanismes d’adaptation en Afrique ?

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Afrique ne contribue qu’à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Mais la situation pourrait changer, puisque l’Afrique connait un développement économique et industriel important, en réponse à sa croissance démographique. Le continent concentre déjà 18 % de la population mondiale, soit 1,4 milliard d’habitants en 2022 selon les estimations de l’Organisation des Nations unies (ONU). Et selon la même source, cette population pourrait doubler d’ici à 2050, atteignant 2,49 milliards d’habitants.

Pour éviter de reproduire les mêmes systèmes de développement basés sur les énergies fossiles à l’origine des émissions de certains GES, l’Afrique devrait davantage miser sur les énergies vertes. Le mouvement est déjà en marche puisque plusieurs pays du continent misent sur les énergies renouvelables, notamment l’éolien et surtout le solaire pour l’électrification de leurs populations. Mais les pays les plus avancés en matière énergétique doivent mettre en place des stratégies pour assurer leur transition énergétique. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud (80% d’électricité à partir du charbon, Ndlr) et de l’Égypte qui veulent remplacer leurs parcs de centrales à énergies fossiles par des installations de production d’énergie propre.

Le stress hydrique

Face au dérèglement climatique en Afrique, la Banque africaine de développement (BAD) préconise notamment la création des capacités d’adaptation par la gestion intégrée des ressources hydriques. C’est une nécessité absolue dans les pays affectés par la sècheresse. Au Maroc par exemple, ce phénomène entraine le stress hydrique qui affecte tous les secteurs d’activités et surtout l’agriculture.

Selon les prévisions du World Resources Institute (WRI), le Maroc atteindra un niveau de stress hydrique extrêmement élevé d’ici à 2040. Face à cette situation, la BAD propose le renforcement des infrastructures de stockage de l’eau et la sensibilisation des populations situées dans les bassins des rivières à la gestion durable des ressources en eau. Outre ces solutions, certains pays touchés par le stress hydrique investissent de plus en plus dans des solutions alternatives, notamment la valorisation des eaux usées traitées et le dessalement de l’eau de mer.

La décabonation des systèmes de transport

La BAD préconise également des investissements dans la mobilité verte afin de réduire les émissions liées au transport en Afrique. La demande en combustible fossile, notamment le pétrole est faible en Afrique par rapport à d’autres continents. Mais un rapport d’étude réalisé dans le cadre du Programme de politiques de transport en Afrique (SSATP) indique que la demande en pétrole devrait atteindre 3,7 millions de barils par jour d’ici à 2030 contre 2,98 millions de barils par jour estimés en 2008. D’où la nécessité de mettre en place des systèmes de transports moins émetteurs de dioxyde de carbone (CO2).

Parmi les pays africains en avant-garde sur la question de la mobilité écologique figure le Kenya. Dans ce pays d’Afrique de l’Est, le développement de la mobilité verte est porté par des start-up qui assemblent et convertissent les véhicules thermiques à l’électrique. C’est le cas notamment de Roam qui prévoit de produire des autobus électriques (« Roam Rapid ») pour le marché local d’ici à la fin de l’année 2023.

La biodiversité ou la base…

« La plupart des solutions proposées face au réchauffement, qui sont liées à l’eau, à l’agriculture durable, ou encore aux énergies renouvelables, n’intègrent ni la biodiversité, ni les écosystèmes et leurs services. La dégradation généralisée des écosystèmes terrestres réduit leur potentiel à séquestrer du carbone et en fait une source importante d’émissions de gaz à effet de serre », remarque Arona Diedhiou.

Pour ce directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), localement, des initiatives vont dans le bon sens avec des actions pour la protection des forêts naturelles, la restauration des zones humides et la promotion des pratiques agricoles durables. Mais les défis sont encore énormes. Car tout comme le financement climatique, le financement de biodiversité en Afrique demeure insuffisant.

L’épineuse question de la finance climatique

Selon le récent rapport publié par la Climate Policy Initiative, un groupe de recherche basé à San Francisco aux États-Unis d’Amérique, l’Afrique n’a reçu que 30 milliards de dollars de financement climatique en 2020. Dans cette enveloppe, 49 % étaient destinés à l’atténuation des effets du changement climatique, soit 14,6 milliards de dollars. L’adaptation n’a capté que 39 % du financement, soit 11,4 milliards de dollars, et 12 % (3,5 milliards de dollars) vers les avantages doubles.

Pourtant, il faudra au moins 277 milliards de dollars de financement climatique par an pour permettre aux pays africains de mettre en œuvre leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), indiquent les chercheurs. « Cet écart est probablement encore plus important. Les pays sous-estiment souvent leurs objectifs de financement climatique, notamment en ce qui concerne l’adaptation, en raison de problèmes de données et de méthodologie dans l’évaluation du coût de leurs CDN », indique le rapport de la Climate Policy Initiative. Les scientifiques recommandent notamment d’augmenter les investissements dans les énergies renouvelables. Actuellement, l’Afrique n’enregistre que 9,4 milliards de dollars par an dans les énergies renouvelables, surtout pour l’alimentation des clients commerciaux et industriels (C&I).

Le recourt au crédit carbone

Face à l’absence de financement climatique, certains scientifiques et professionnels de l’environnement préconisent le recours aux crédits carbone. Cette solution a été mise en place pour aider les pays engagés dans le protocole de Kyoto à tenir leurs promesses. Concrètement, le crédit carbone est une unité correspondant à l’émission d’une tonne de CO2. Ce nouveau système de crédit a pour rôle d’orienter les entreprises vers la lutte contre le réchauffement climatique. D’une certaine manière, les crédits carbone pourraient pallier une partie du déficit de financement climatique du secteur privé. Car  en 2020 par exemple, le secteur privé n’a contribué au financement du climat qu’à hauteur de 14 % (4,2 milliards de dollars), soit beaucoup moins que dans d’autres régions du monde comme l’Asie du Sud (37 %), l’Asie de l’Est et le Pacifique (39 %), et l’Amérique latine et les Caraïbes (49 %), selon la Climate Policy Initiative.

Alors, avec cette solution proposée, chaque entreprise se voit attribuer un certain nombre de crédits carbone, qui lui sont propres et qui correspondent à ce qu’elle peut émettre en termes de CO2. Si l’entreprise, ayant réduit ses émissions, possède un excédent de crédits, elle peut les mettre en vente sur le marché du carbone. Une tonne de carbone non émis équivaut à un crédit carbone. Ce marché se développe lentement, mais surement dans les pays en voie de développement, notamment en Afrique.

D’ailleurs, « Plus des deux tiers des pays prévoient d’utiliser les marchés du carbone pour atteindre leurs engagements au titre de l’accord de Paris, à savoir les CDN » indique la Banque mondiale. De son côté, la BAD a mis en œuvre un programme de soutien technique entre 2010 et 2012, à destination de ses pays membres. Le développement du marché des crédits carbone en Afrique est également catalysé par des acteurs privés.

C’est le cas notamment d’Aera. Ce négociateur français de crédits carbone a d’ailleurs signé il y a quelques mois, un partenariat avec le fournisseur de solutions de compensation Écosphère+. L’objectif est de vendre les crédits carbone afin de financer le déploiement des kits de cuisson propre en Afrique au sud du Sahara.

Source : www.afrik21.africa

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