Union Européenne : Bientôt une loi contre les pubs néfastes au climat et à l’environnement ?

Union Européenne : Bientôt une loi contre les pubs néfastes au climat et à l’environnement ?

Alors que les voix s’élèvent, chez les parlementaires, pour interdire les publicités climaticides, plusieurs associations proposent des solutions de régulation, dans un rapport publié le 9 juin.

Mettre fin aux pratiques encourageant la surconsommation, qui sont néfastes au climat, en prenant pour modèle la loi Evin interdisant la publicité de l’alcool et du tabac au nom de la santé publique… L’idée n’est pas nouvelle. Mais elle connaît un intérêt croissant en France, comme le montre ce rapport des Amis de la Terre, Résistance à l’agression publicitaire (RAP), Communication sans frontières et Observatoire des multinationales [1]. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs ouvert la porte. Dans un arrêt rendu le 31 janvier 2020, il a affirmé que la protection de l’environnement ayant valeur constitutionnelle, elle pouvait justifier des atteintes à la liberté d’entreprendre.

Produits trop gras, trop sucrés, trop salés

À l’étranger, des règlementations ont essaimé. Le gouvernement de Singapour a ainsi interdit, en octobre 2019, toute publicité [2] pour les boissons trop sucrées dans le cadre de sa politique de lutte contre le diabète. Possible en France ? Le principal obstacle réside dans les budgets publicitaires et marketing colossaux des entreprises de l’agroalimentaire. À eux seuls, les groupes Ferrero, Nestlé, Mondelez, Orangina-Schweppes et Coca-Cola ont ainsi dépensé plus de 700 millions d’euros dans la publicité, en France, en 2018. C’est pourquoi une interdiction ciblée aux heures de grande écoute semble plus probable, comme le suggère le think tank Terra Nova. En particulier pour les produits alimentaires trop gras, trop sucrés et trop salés visant les enfants.

Alors qu’en France, un enfant sur six est en surpoids ou obèse, le gouvernement français n’a pris aucune mesure, se contentant des engagements volontaires des industriels, rappelle Foodwatch. La limitation de ces publicités est pourtant inscrite dans le plan national de santé 2018-2022 et a fait l’objet d’une recommandation lors d’un atelier des états généraux de l’alimentation. Vœux pieux.

Les ONG recommandent aussi de restreindre les publicités en faveur de la restauration rapide, en premier lieu lorsqu’elles sont destinées aux enfants, comme c’est déjà le cas au Québec, à San Francisco et Santa Clara (Californie).

Véhicules thermiques pour les particuliers

Autre cible : les produits à très forte empreinte carbone, dont la consommation de masse est incompatible avec l’objectif climatique de l’Accord de Paris. Dans le collimateur de l’association RAP : les véhicules thermiques pour les particuliers, et en particulier les SUV, responsables de la reprise de la hausse des émissions des voitures neuves en Europe en 2016. Après 15 années de baisse. Là encore, le défi est de taille puisque Renault, Peugeot et Citroën ont dépensé 1milliard d’euros en publicité en 2018 en France. Aucun des amendements déposés pour les interdire, dans le cadre des lois Mobilité et Économie Circulaire, n’a d’ailleurs été adopté.

Vols intra-nationaux

Les publicités pour l’aviation sont aussi dans la ligne de mire des associatifs, notamment celles vantant les vols intra-nationaux. Dans un rapport publié en février 2019, le cabinet B&L évolution suggère d’interdire tout vol interne dès 2022, dès lors qu’une alternative existe par rail ou route en moins de 4h, en vue de respecter l’Accord de Paris. Des amendements dans ce sens ont déjà été déposés en France, mais ont tous été rejetés. Air France a par ailleurs réalisé une campagne de communication, en 2019, invitant les Français à prendre l’avion en pleine canicule (« Plus la température monte, plus les prix baissent en France » !)

Le secteur textile n’a pas été oublié. Avec 52 micro-collections par an, et de nouveaux articles proposés chaque semaine, la « fast fashion » pourrait se voir privée de publicité, tout comme les fabricants de smartphones. Mais si l’obsolescence programmée est désormais considérée comme un délit en France, la publicité reste autorisée. Apple et Samsung ont d’ailleurs investi 220 milliards d’euros dans ce secteur tricolore en 2018.

Limiter la publicité dans l’espace public

Plus largement, les associations demandent de réduire la place accordée à la publicité sur l’espace public, au nom du climat, de la pollution visuelle et de la forte consommation énergétique des écrans numériques. D’autant que 600 entreprises consomment 80% de l’espace publicitaire français selon RAP. La capitale australienne a suivi ce chemin dès 1937. Camberra a en effet interdit toute publicité commerciale dans ses rues. Même chose à Sao Paulo, au Brésil, en 2008, pour les publicités les plus grandes : 15 000 panneaux d’affichage et 300 000 enseignes surdimensionnées ont été supprimés. Comme le montre l’exemple grenoblois, les collectivités tricolores ne sont pas démunies. Elles ont des moyens d’agir dans le cadre de leur règlement local de publicité. Avec un manque à gagner souvent minime. À Paris, les recettes publicitaires représentent moins de 0,4% de son budget, selon les rapporteurs.

À suivre à l’assemblée

Leur étude devrait trouver un écho rapide à l’Assemblée. « On est dans les starting-blocks pour traduire un certain nombre de propositions en mesures législatives », assure la députée Delphine Batho, membre du nouveau groupe Ecologie, Démocratie, Solidarité, lors d’une conférence de presse. « La première serait d’interdire les écrans numériques, très énergivores et qui multiplient l’exposition des enfants aux écrans », ajoute-t-elle. Des mesures sur la publicité devraient aussi être proposées par la Convention citoyenne pour le climat, dans ses conclusions rendues le 21 juin.

[1] Au total, une vingtaine d’associations ont apporté des idées

[2] Pour tous publics et sur tous supports

Source : euractiv.fr

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