Suisse : Le prix des meilleurs fonds durables évite le «greenwashing» et le «greenwishing»
La 2e édition des Swiss Sustainable Funds Awards veut être un outil au service de la cause durable et de la place financière. René Sieber, président du jury, montre que le choix des nominés valide une approche rigoureuse.
Un nouvel instrument de navigation est à disposition de l’épargnant. Les Swiss Sustainable Funds Awards, créés l’an dernier, dont Le Temps présente la liste des nominés 2020 en exclusivité, occupent une place à part dans les classements des meilleurs fonds de placement.
Ces prix récompensent en effet les fonds «qui se situent parmi les meilleurs en termes de performance et mettent en œuvre une démarche durable robuste», déclare René Sieber, professeur de finance à l’Université de Genève et administrateur d’Ethos Services depuis dix-huit ans, qui préside le jury cette année.
Comment l’épargnant peut-il choisir l’instrument qui réponde à ses propres valeurs sur un marché des fonds qui respectent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en forte croissance (+83% à 717 milliards de francs fin 2018)? Comment choisir un produit qui surperforme son indice de référence et satisfasse les critères ESG? Comment éviter un fonds présenté comme durable mais qui ne l’est qu’en apparence?
Etre en conformité avec ses valeurs
«La première difficulté pour l’épargnant consiste à se situer en fonction de ses propres valeurs dans l’univers multidimensionnel des positionnements possibles en matière d’ESG», relève René Sieber. Une deuxième étape est de «s’assurer que le prestataire qui va offrir le produit permettant à l’épargnant d’être en accord avec ses attentes fournit la prestation qu’il attend.»
La méthodologie des Swiss Sustainable Funds Awards répond à ces défis. Ouverts à tous les fonds distribués en Suisse et ne nécessitant aucune inscription, «les Awards ont pour objectif de valider les meilleures pratiques et le savoir-faire de l’industrie en matière d’investissement durable», avance-t-il. Ils visent aussi «à accroître la visibilité des acteurs qui s’engagent en faveur du développement durable».
Dans l’ensemble, «les fonds nominés peuvent être considérés comme ayant une approche résolument durable», indique René Sieber. Les nominés mettent en outre en évidence qu’il est possible «d’avoir une approche ESG robuste et de générer de la surperformance sur trois ans», relève le président du jury. Si le doute est parfois permis sur la réelle conviction de certaines sociétés de gestion d’actifs, les prix valident des pratiques qui ne sont pas minimalistes. Selon René Sieber, les nominés «ne font ni du «greenwashing» (communication d’image durable non vérifiée par les faits) ni du «greenwishing» (souhait d’être verts), un risque à ne pas négliger après la «conversion» massive à l’ESG enregistrée en 2019».
Diversité des approches durables
Les approches ESG des fonds candidats comprennent les stratégies allant des plus simples aux plus strictes. Certaines se limitent à un filtrage normatif ou éthique (s’assurer que le modèle d’affaires ne viole pas des normes reconnues ou des critères éthiques); d’autres vont plus loin et emploient des stratégies qui combinent une approche de «best in class» (qui privilégie les entreprises les plus vertueuses dans chaque branche d’activité), ou des exclusions sectorielles et normatives; d’autres encore s’engagent pour le dialogue avec les entreprises et l’exercice des droits de vote.
L’analyse des résultats suggère toutefois qu’un fonds appliquant uniquement un simple filtrage normatif ou éthique sera moins susceptible d’être nominé. Il est d’ailleurs intéressant de constater que des pionniers historiques de l’industrie durable sont bien représentés parmi les nominés, à l’image de Robeco SAM ou Nordea.
A titre personnel, René Sieber privilégiera plutôt une stratégie ESG combinant une approche «best in class» avec des exclusions sectorielles et normatives, pratiquant le dialogue avec les entreprises et l’exercice des droits de vote et privilégiant le changement climatique.
Relative homogénéité
Le jury est composé de Frank Juliano (Compenswiss), Mirjam Staub-Bisang (BlackRock Suisse), Stéphanie de Mestral (de Pury Pictet Turrettini), Suzanna Gobet (Bedrock), Joerg Grossmann (Allfunds) et René Sieber. Ce sont les membres du jury qui sélectionnent les meilleurs fonds en Suisse au bénéfice de données sur trois ans et se présentant comme durables ou éthiques, dans neuf catégories retenues différentes.
Le jury s’est appuyé sur l’analyse de la qualité ESG des fonds candidats fournie par Conser Invest, une société pionnière présidée par Angela de Wolff. Quant aux données quantitatives relatives à la performance et au risque, il a intégré l’analyse effectuée par la société de conseils Anglo-Swiss-Advisors.
Bien que les fonds nominés n’appliquent pas tous les mêmes styles de durabilité, les «élus» ont souvent été les mêmes pour les membres du jury, selon René Sieber. Cette relative homogénéité dans les choix souligne, pour lui, la pertinence du processus mis en œuvre pour l’attribution des Awards.
Source : www.letemps.ch