Six limites planétaires franchies, deux autres en sursis… On vous explique ce que cela signifie
L’évolution du cadre des limites planétaires. Source : Stockholm Resilience Center Licence CC BY-NC-ND 3.0.
Six seuils écologiques sont désormais dépassés et deux autres sont en passe de l’être, selon l’actualisation de l’étude de référence sur le concept des neuf « limites planétaires ». En cause, la pollution et l’exploitation des ressources naturelles par l’humanité. Une mauvaise nouvelle mais rien n’est perdu selon l’étude.
Une trentaine de chercheurs issus d’une dizaine de pays différents l’affirment, mesures à l’appui, six des neuf limites planétaires sont bel et bien dépassées. Ce concept, introduit en 2009, est au cœur d’une étude de référence menée par le Stockholm Resilience Centre.
Et sa dernière actualisation, publiée mercredi 13 septembre 2023, n’apporte pas de bonnes nouvelles. Une sixième mesure qui concerne le cycle de l’eau douce, a été franchie. Et deux autres pourraient bientôt être dans le rouge. Qu’est-ce que cela signifie ? Explications.
Qu’est-ce qu’une limite planétaire ?
En 2009, Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact du climat de Potsdam (PIK), et un groupe de 28 scientifiques internationaux ont cherché à identifier les processus qui régulent la stabilité et la résilience de notre planète. Ils ont ainsi défini neuf limites planétaires, correspondant aux limites que peut subir la Terre face aux activités humaines sans compromettre nos conditions de vie.
Franchir une limite, c’est risquer des transformations en chaîne, irréversibles, qui vont bouleverser l’équilibre planétaire et mettre en péril la viabilité de notre environnement.
Débattue depuis sa création, cette notion de « limites planétaires » est progressivement devenue une référence de la science du système Terre, mentionnée dans des rapports du Giec, et dont l’influence s’étend maintenant au monde politique et à l’économie.
Quelles sont les limites qui ont été franchies ?
La limite le plus souvent évoquée, c’est celle du réchauffement climatique, dépassée depuis 2009. La limite adoptée a été celle de la concentration en CO2 de l’atmosphère. Celle-ci est restée très proche de 280 parties par million (ppm) pendant au moins 10 000 ans avant la révolution industrielle. Mais en 2022, elle a atteint 417 ppm, nettement au-dessus d’une limite sûre définie à 350 ppm par l’étude. « Nous nous dirigeons vers un réchauffement de 2,5 °C, 2,6 °C ou 2,7 °C, un niveau inconnu depuis quatre millions d’années »,a mis en garde Johan Rockström.
Autre limite bien connue, et elle aussi déjà franchie, le taux d’extinction des espèces et de la biodiversité. La limite acceptable serait un taux de disparition des espèces dix fois supérieur au taux moyen sur les dix derniers millions d’années. Or les extinctions se produisent désormais au moins 100 fois plus vite, soit dix fois plus que le seuil recommandé.
Au réchauffement climatique et à la biodiversité, il faut ajouter quatre autres limites désormais dépassées : le cycle de l’azote qui décrit la manière dont l’azote circule dans l’environnement, la déforestation, la quantité de produits chimiques synthétiques (dont les plastiques) et, dernière en date, la raréfaction de l’eau douce.
Pourquoi le cycle de l’eau est passé au-dessus le seuil critique ?
La perturbation du cycle de l’eau est mesurée par la quantité d’eau douce prélevée par l’humanité. Ce dérèglement est lié à l’utilisation massive d’eau douce. Premier responsable : l’agriculture intensive. Dans le monde, 70 % des besoins en eau concernent l’agriculture. Nos besoins industriels et domestiques représentent respectivement 20 % et 10 %.
« L’eau est le sang de la biosphère. Mais nos activités modifient profondément son cycle. Cela affecte maintenant la santé de la Planète entière », explique Lan Wang-Erlandsson, auteur principal de l’étude du SRC, dans un communiqué. Les travaux menés par les chercheurs montrent en effet que les perturbations du cycle de l’eau douce sont aujourd’hui telles qu’il existe un réel risque d’effondrement des écosystèmes.
La survie de la forêt amazonienne, par exemple, dépend fortement de l’humidité du sol. En plus de la déforestation, une baisse de cette humidité, conséquence du réchauffement climatique, menace directement des régions entières.
Source : Tour d’horizon des limites planétaires, Ex naturae, octobre 2020
Et maintenant que fait-on ?
Deux autres limites – l’acidification des océans et la concentration des particules fines polluantes dans l’atmosphère – sont proches des seuils d’alerte. Seul l’état de la couche d’ozone reste en dessous, avec une bonne marge. « Nous avançons toujours dans la mauvaise direction […] et rien n’indique que l’une ou l’autre de ces limites – à l’exception de la couche d’ozone, qui se rétablit lentement depuis l’interdiction des chlorofluorocarbures – commence à évoluer dans la bonne direction », a déploré Johan Rockström.
La situation est d’autant plus compliquée que tout est imbriqué : les différents dépassements de limites s’amplifient mutuellement, avec un lien clé entre la concentration croissante de CO2 et les dommages à l’ensemble des organismes vivants qui se développent sur la Terre, la biosphère.
L’étude assure pourtant que, pour les neuf limites, la situation peut revenir en deçà des seuils d’alerte. L’autrice principale de l’étude, Katherine Richardson, professeure à l’Institut du Globe de Copenhague, a la solution : « Il s’agit simplement de fixer des limites à la quantité de déchets que nous rejetons dans l’environnement et à la quantité de matières premières vivantes ou non que nous en extrayons. » Oui, simplement…