L’exposition des économies africaines aux chocs exogènes récessifs : causes et pistes de solutions

L’exposition des économies africaines aux chocs exogènes récessifs : causes et pistes de solutions

M. Vladimir Sadrack SOUA AKONLA’A

Economiste


Les économies africaines ont la particularité d’être exposées aux chocs exogènes. Cette situation est la résultante d’un ensemble de facteurs de vulnérabilité aux conséquences diverses et de magnitude significative dont il faut se parer.

La recrudescence des crises socio-économiques, sanitaires et politiques dans le monde ces dernières années et leurs conséquences significatives sur l’Afrique ont remis à jour la problématique de la vulnérabilité des économies du continent aux chocs exogènes récessifs. En effet, et depuis l’ère post-ajustement structurel, la plupart des pays africains ont entrepris de mettre en œuvre des programmes de transformation structurelle et de développement de long terme. Après plus de deux décennies, fort est de constater au regard des crises récentes, que ces économies demeurent fortement exposées aux chocs extérieurs à bien des égards. Rappelons que l’on parle de choc exogène récessif lorsqu’un événement non ou mal anticipé, d’origine extérieure, affecte négativement et significativement la structure d’une ou de plusieurs économies en agissant durablement ou temporairement soit sur la demande, soit sur l’offre, soit à la fois sur l’offre et la demande. Si plusieurs facteurs permettent de saisir cette vulnérabilité des économies africaines dont l’ampleur est de magnitude variable selon les cas, il reste néanmoins possible de scruter quelques pistes de consolidation.

Des facteurs de vulnérabilité des économies africaines…

Les facteurs de vulnérabilité des économies africaines sont d’ordre structurel et politique. Sur le plan structurel, le premier facteur est celui de la structuration de ces économies. En effet, ces dernières restent pour la plupart des économies de rente orientée majoritairement vers l’exportation des produits de base à l’instar des minéraux, des minerais, des métaux et combustibles, des matières premières d’origine agricole etc. Selon la CNUCED (UNCTAD, 2021a) 83% des économies africaines sont dépendantes des exportations de produits de base, et représentant 45 % de l’ensemble des pays tributaires desdits produits dans le monde. Aussi, les ménages africains affichent un mode de consommation extraverti, du fait entre autres de la faible productivité des productions locales. Ainsi, entre 2009 et 2019, les importations des produits alimentaires sont passées de 24 milliards USD à 32 milliards USD selon l’OCDE. Cette structuration extravertie expose les économies concernées aux fluctuations des cours de matières premières et des denrées de première nécessité dont elles ne contrôlent pas les déterminants, mais également aux perturbations diverses des échanges commerciaux ou des réseaux de distribution consécutives à un conflit ou à une crise dans les pays fournisseurs.

Le second facteur est celui de la faible profondeur des marchés locaux de capitaux et la faiblesse et/ou la non-convertibilité des monnaies locales. Cet état des faits contraint les économies africaines à une dépendance vis-à-vis de la dette extérieure libellée en devises (généralement en USD) et à l’aide au développement. Les fluctuations des principales devises sur les marchés internationaux de changes font naître des risques de change sources potentielles d’instabilité financière de par leurs impacts sur les niveaux de dettes publiques, les réserves de changes, ainsi que sur les coûts des importations et les manques à gagner sur les exportations. Aussi, la dépendance accrue vis-à-vis de l’aide publique au développement rend le continent dépendant de la santé économique et financière des pays donateurs. In fine, d’autres facteurs d’ordre politique peuvent être mis en exergue. Il peut s’agir de l’étroitesse et de la mauvaise qualité de la carte sanitaire ; de mauvais choix en matière de politique budgétaire creusant des déficits publics improductifs ; du retard accusé dans la course au développement technologique et infrastructurel et plus globalement, le faible niveau d’investissement dans la Recherche et Développement.

… aux conséquences diverses de magnitude significative …

L’exposition de l’Afrique aux chocs économiques, sanitaires et politiques extérieurs a très souvent entrainé des conséquences endogènes sans précèdent. Il en a été ainsi au sortir de la crise économique et financière internationale des années 2008 et la crise de la dette des pays de la zone euro qui en a résulté. Le mouvement récessif qu’ont connu les économies africaines s’était traduit d’une part par des crises socio-politiques qualifiées d’« émeutes de la faim ». En effet, les économies africaines avaient subi de plein fouet le choc de l’explosion des prix des produits de première nécessité sur les marchés internationaux, entraînant un renchérissement endogène du coût de la vie. D’autre part, par la détérioration structurelle des termes de l’échange qui a fait planer le spectre de la dévaluation dans des pays comme ceux de la zone franc en 2017. Plus récemment encore, la pandémie à coronavirus qui menace le monde depuis 2019 a mis en exergue le retard des pays africains en matière infrastructurel et sanitaire. Le choc socio-économique sur les finances publiques, la production globale, le coût de la vie et la stabilité financière qui en a résulté a été amplifié par les conséquences monétaires (appréciation du Dollar US et des autres monnaies internationales), financières (augmentation progressive des taux directeurs des principales banques centrales pour endiguer l’inflation), et commerciales (fermeture des circuits de production et des réseaux de distribution ; embargo sur les exportations des produits de base et énergétiques) du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine.

… mais pouvant faire l’objet de consolidation

Quelques pistes de consolidation pourraient permettre aux économies africaines d’être plus résilientes à l’épreuve des chocs exogènes récessifs. La première serait la transformation structurelle desdites économies dans un contexte de mise en œuvre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine. Cette opportunité qui vient ouvrir les vannes des chaînes de valeurs régionales est une raison suffisante pour reconsidérer nos modèles de développement et migrer vers des investissements significatifs dans la production d’infrastructures et autres biens publics favorables à l’éclosion d’une industrie manufacturière compétitive. Aussi, le développement d’un marché des capitaux attractif et dynamique permettrait de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés internationaux et contribuant ainsi à une relative stabilité monétaire et financière sur le continent. In fine, il serait primordial de repenser les priorités en matière de politique publiques en portant un accent particulier sur la bonne gouvernance, l’éducation et la recherche.

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