Les effets socio-économiques potentiels du COVID-19 sur l’économie camerounaise

Les effets socio-économiques potentiels du COVID-19 sur l’économie camerounaise

Par Louis Narcisse NGONO

Docteur Ph.D en Science politique / Relations internationales , expert en management de la durabilité


Le monde entier tremble et s’inquiète des conséquences que peut avoir le Coronavirus sur l’économie mondiale. Un pays comme le Cameroun a-t-il de quoi s’inquiéter lui aussi ?

L’épidémie de coronavirus Covid-19 est à ce jour l’un des défis de santé publique internationale le plus important. A ce jour, ce n’est pas moins de 96 pays qui sont touchés. Parmi lesquels, le Cameroun. Elle se caractérise par un bilan très lourd sur le plan tout d’abord humain avec des estimations préoccupantes qui font état  de plus 110 000 personnes contaminées et plus de 3800 personnes décédées dont environ 82% en Chine qui est l’épicentre de la maladie. La maladie a depuis le 7 janvier date de son identification formelle par les autorités chinoises révélée au monde l’un de ce côtés les plus dangereux. En dehors du fait que pour ces personnes d’ici et d’ailleurs il n’existe toujours aucun vaccin et aucun traitements efficaces, la maladie s’est mué en véritable frein pour l’économie mondiale, ralentissant ainsi, les flux commerciaux et de personnes. Les territoires abritant la maladie devant quasiment infréquentables. Pour toutes ces raisons, le Cameroun qui a depuis une semaine sensiblement identifié son premier cas ne saurait s’extraire des répercutions socio-économiques dans la mesure où le Covid 19 est une déferlante vague de refroidissement des performances économiques pour la simple raison que son risque de propagation énorme oblige parfois de tout mettre au ralentit ou à l’arrêt notamment les activités économiques, sportives, les évènements culturels etc.

 

Si l’on prend en compte le fait que le Cameroun est déjà contaminé et que certains pays avec lesquels nous échangeons le sont aussi, quels sont les secteurs qui, selon vous, pourraient être les plus touchés ?

Le Coronavirus a depuis son apparition répandu une certaine psychose dans le monde. La détection d’un cas de cette maladie dans une ville ou un pays envoie toute de suite des signaux négatifs qui vont se traduire par une défiance envers le territoire concerné et impacté sur son image. Or, les activités économiques ne sont opérationnelles et fructueuses que dans un contexte de confiance et surtout de mobilité. C’est parce qu’un  territoire  suscite confiance qu’on n’échange facilement avec lui ou qu’on s’y rend. Ce principe étant remis en question, il faut s’attendre entre les pays qui échangent avec le Cameroun et/ou partagent ses frontières, à une chute des transactions commerciales, une diminution de la mobilité des personnes qui seront proportionnelles à l’envergure que prendra la maladie. Ainsi, la quasi-totalité des secteurs est exposée mais ceux qui selon toute vraisemblance seront les plus vite touchés concernent, les secteurs du tourisme et du transport aérien qui connaitront sans doute une diminution des fréquentions avec des incidences notables sur les sous-secteurs de l’hôtellerie et de la restauration. Si la maladie prend une certaine tendance dans le court et moyen termes, les investissements étrangers peuvent connaitre un ralentissement. On peut aussi s’attendre à un ralentissement des exportations et des importations qui devront faire l’objet d’un contrôle plus minutieux. Les individus devenant l’objet d’une défiance réciproque, mêmes les opérations commerciales de base sur nos marchés peuvent en être impactées. Les secteurs sportifs et de l’évènementiel peuvent connaitre aussi une période de contraction. Pour le cas spécifique du Cameroun la tenue des évènements sportifs majeurs tel que le Championnat d’Afrique des Nations  peut devenir problématique si cette crise sanitaire n’est pas endiguée au plus vite. D’une manière générale, la quasi-totalité des secteurs économiques matériels ou les hommes sont supposés être en contact seront impactés négativement.

 

Peut-on imaginer que les dépenses imprévues du fait de la gestion de l’épidémie du Coronavirus viennent perturber l’exécution du budget ?

Les dépenses ne connaitront pas une incidence significative. Même si des efforts matériels et financiers doivent être faits au plan national, il faut savoir que les questions de santé publique internationale ont des leviers et mécanismes sur lesquels ils s’appuient. Par le principe de solidarité internationale devant une menace globale, des financements et des soutiens multiformes se déploient pour venir en appui aux efforts fait localement ici et là. Les organes spécialisés des Nations Unies dont l’OMS est le plus impliqué prendra des mesures. Il faut aussi s’attendre au déploiement si la nécessité se fait ressentir d’une société civile internationale et nationale spécialisées sur les questions sanitaires sur l’aspect Wash notamment. Pour toutes ses raisons, il ne faut pas s’attendre à ce que les caisses publiques s’assèchent. Ne cédons pas à l’alarmisme.

 

Certains évoquent le spectre de la crise économique et financière de 2008. Un tel scénario est-il envisageable ?

En termes d’impacts on peut effectivement s’attendre à des effets similaires, tels que le ralentissement de l’activité économique et les projections sur la croissance économique mondiale commencent à être revues à la baisse. Sans être pessimiste, la crise sanitaire que l’on connait actuellement peut si elle n’est pas rapidement endiguée, avoir des effets plus désastreux que la crise de 2008 qui avait une origine financière avant de muer en crise d’endettement pour certains pays et en crise économique pour le monde. Il faut rappeler que sa courroie de transmission était d’abord financière avant de toucher l’économie réelle. Là, nous sommes devant une crise qui frappe d’abord l’économie réelle et qui ne se limite pas à toucher le facteur capital ou du moins de manière prépondérante. Elle touche le facteur travail c’est-à-dire l’homme lui-même qui est en réalité l’architecte et le carburant de l’économie. Ainsi, si les hommes ne peuvent plus échanger c’est toute la mécanique de l’économie qui est menacée à savoir la consommation, la production et donc l’investissement. A titre d’exemple, aujourd’hui la Chine est quasiment en quarantaine et cet aspect chose n’est pas sans incidence sur l’économie mondiale. Imaginez un peu la quasi-totalité des pays dans cette situation ce serait un coup dur pour l’économie et la modernité telle que nous la connaissons. C’est pourquoi les chercheurs s’activent en laboratoire et les pays dans les efforts de circonscription de la maladie.

 

Pensez-vous que l’Etat devrait prendre des mesures particulières pour limiter d’éventuels dégâts ? Quelles pourraient être ces mesures ?

L’Etat jusqu’ici est dans son rôle, et depuis l’apparition de la maladie en terre camerounaise, le ministère en charge des questions de santé, pratique une communication intense, aux fins de sensibiliser les populations et de les rassurer. Il est très important d’informer et de rassurer les populations pour ne pas céder à la panique. La réponse jusqu’ici a été très bonne, les cas de maladies ont été isolées et suivent des traitements. L’essentiel des mesures à ce stade reste la sensibilisation pour éviter la propagation de la maladie en attendant l’avènement d’un vaccin qui selon les récentes informations sur la recherche ne tardera plus très longtemps. Il faut continuer dont continuer dans ce qui est bien fait jusqu’ici et réitérer à tout un chacun que nous sommes les premiers remparts à la propagation de cette maladie. Nous devons prendre soin de nous et des autres au travers des petits gestes de propreté qui peuvent sauver des vies.

 

Qu’en est-il du secteur privé, le patronat surtout ? Quel est sa marge de manœuvre ? Jusqu’à quel niveau peut-il agir ?

La marge d’œuvre du patronat et des entreprises est fonction de l’évolution de la maladie. A ce jour, la situation est plutôt maitrisée et les entreprises continuent de travailler dans une relative sérénité.  Si la situation venait à empirer, l’Etat pourrait être amené à prendre des mesures restrictives qui peuvent impacter des secteurs d’activités entiers. C’est pourquoi la lutte contre une maladie comme celle-ci doit être collégiale. Le secteur privé doit à accompagner l’Etat dans cet effort de sensibilisation et s’assurer qu’en leur sein les mesures sont prises pour que les personnes qui y travaillent, soient les moins exposées possibles. C’est ici une occasion de mettre sur pieds des démarches en responsabilité sociétales des entreprises (RSE) pour communiquer, assister les pouvoirs publics et protéger ses employés.

Propos recueillis par : Lucien BODO – Mutations N° 5053 – Mardi 10 mars 2020

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