Climat : sauver la grande faune pour améliorer la séquestration du carbone
Les éléphants de forêt, les gorilles et d’autres grands animaux frugivores jouent un rôle clé dans la séquestration du dioxyde de carbone (CO2). Ces animaux au centre de tous les trafics contribuent à la dispersion des graines de grands arbres qui stockent mieux le CO2 dans les forêts tropicales. Une étude publiée récemment dans la revue PLOS Biology prévient contre le braconnage des espèces clés dans la restauration des forêts tropicales.
Face à l’urgence climatique, les décideurs, les partenaires financiers, les organisations de la société civile multiplient des assises et les initiatives dans l’optique d’atténuer le réchauffement de la planète. La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’amélioration de la capture et la séquestration du dioxyde de carbone (CO2) font partie des solutions à la crise climatique. Et dans cette optique, les grands animaux frugivores jouent un rôle clé qu’il convient de prendre en compte lors des prochaines rencontres internationales sur le climat.
Dans un nouvel article publié dans la revue PLOS Biology, la Wildlife Conservation Society (WCS) insiste sur la contribution de l’éléphant de forêt, du gorille (et autres grands signes), du tapir, du calao, du casoar à casque et d’autres grands animaux, à la dispersion des grosses graines provenant d’espèces d’arbres à forte capacité de stockage de carbone.
L’impact sur la restauration des forêts tropicales
« Les animaux jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’intégrité de ces forêts. Les forêts qui abritent la totalité des espèces animales, à des densités de population saines, séquestrent et stockent plus de carbone que celles qui ont perdu des éléments de leur faune. Le maintien d’une faune intacte est donc un élément essentiel de toute stratégie de conservation des forêts visant à lutter contre le changement climatique », explique John Robinson, co-auteur de l’étude et titulaire de la chaire Joan L. Tweedy en stratégie de conservation à la WCS.
Mais partout sur la planète, ces grands animaux frugivores sont victimes de braconnage. En Afrique centrale, l’éléphant de forêt paye le plus lourd tribut à cause de ses défenses qui vendent sur le marché noir en Afrique et en Asie. Le Gabon qui abrite deux tiers de la population d’éléphants de forêt a perdu 11 000 individus entre 2004 et 2012, à cause du braconnage. Ce phénomène s’est accéléré ces dernières années en Afrique, à tel point que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé cette sous-espèce d’éléphant sur sa liste rouge des espèces menacées.
Le déclin des éléphants de forêt en Afrique centrale
Selon cette organisation intergouvernementale basée en Suisse, la population d’éléphant d’Afrique a chuté de 86 % en 30 ans. Le gorille connait le même sort. Ce grand singe est également inscrit sur la liste des animaux en danger critique d’extinction de l’UICN. En Amérique latine, le tapir fait face aux feux de forêt et à la réduction de son habitat, principalement au Brésil. Pourtant, l’étude du WCS révèle qu’un éléphant de forêt adulte contient environ 720 kg de carbone (2,64 tonnes équivalent CO2).
Améliorer les capacités de séquestration du CO2 des forêts tropicales
Selon l’étude du WCS qui contribue à la protection de la biodiversité en Afrique et ailleurs dans le monde, dans l’écozone néotropique par exemple, la « défaunation » des grands primates et des tapirs, qui dispersent les graines des arbres à grosses graines dont la densité du bois est plus élevée, devrait entraîner des pertes à long terme de la biomasse aérienne des arbres de 3 à 6 % en moyenne, mais pouvant aller jusqu’à près de 40 %.
« Dans le centre de la Thaïlande, les espèces d’arbres qui dépendent de la dispersion des graines par les frugivores à gros corps représentent près d’un tiers de la biomasse totale de carbone », indique l’organisation non gouvernementale (ONG) basée à New York aux États-Unis d’Amérique. Il devient donc urgent d’inclure la protection de la grande faune dans les initiatives en faveur de la lutte contre le changement climatique, et plus précisément la restauration des forêts tropicales qui représentent 50 % des capacités mondiales de l’absorption de carbone selon l’étude « Saturation asynchrone des puits de carbone dans les forêts tropicales africaines et amazoniennes », publiée en 2020 dans la revue scientifique Nature.
Source : www.afrik21.africa