Les leçons du COVID-19 : L’Afrique entre chaos annoncé, gestion endogène de la crise et nécessité d’un rapport à la planète plus sain

Lucien Zang Mengue

Masters en ressources minérales et environnement, et en ingénierie du pétrole.  passionné de l’histoire de l’Afrique, de protection de l environnement et l’égalité sociale.

Pendant que le monde entier célébrait la journée mondiale de lutte contre le SIDA, et que les chercheurs présentaient les différentes avancées et nouveaux projets plein d’espoir pour les malades, en Chine, un médecin de Wuhan émettait l’hypothèse de l’existence d’un nouveau virus au vu des symptômes des malades passés au sein de son hôpital. Au 31 Décembre 2019, on comptait 266 cas confirmés en Chine, dans les médias du monde entier, on en parlait très peu et très souvent ce virus inconnu était tourné en dérision en étant nommé « virus de Wuhan ». Nous avons fêté le nouvel an comme d’habitude avec effusion et plein de cadeaux. J’ai encore en mémoire ces images de différentes chaines de télé qui présentaient Wuhan la ville fantôme, elle était presque devenue une attraction mondiale. Sur le reste du globe on en riait tous ignorant que nous serions nous aussi prisonniers de ce virus.

On le dit souvent, le monde est un village planétaire, cela a été démontré une fois de plus avec l’expansion exponentielle du nouveau Corona qui en moins de deux mois s’est répandu sur toute l’étendue du globe. Le premier cas hors de la Chine fut détecté en Corée du sud le 08 janvier 2020, puis un autre en Thaïlande, et la vague déferla au Japon en Iran et sur tout le continent Asiatique. En Europe le premier cas est repéré en France le 25 janvier 2020, de là il se répandit sur le reste du continent. En Amérique latine, le Pérou a été le premier pays touché au 6 mars 2020. En Afrique se fut le Maroc au 02 Mars 2020.  Avec cette évolution de la maladie dans le monde, la psychose ira crescendo jusqu’au 11 Mars, date fatidique à laquelle l’OMS déclara que l’épidémie était passée à la phase de pandémie. C’est le début de la prise de conscience au niveau mondial mais surtout occidental. Oui !  L’occident tremble et bientôt des mesures conservatoires seront prises. De nombreux pays de l’Union Européenne décrèteront l’état d’urgence sanitaire qui sera accompagné par la fermeture des frontières. Les mesures sont plus ou moins strictes en fonction de l’ampleur de la propagation du virus. Dans les pays du nord de l’Europe, on assiste à un confinement partiel pendant qu’au Sud plus touché il est total.  Malgré tout, le virus continue de se propager de façon vertigineuse, l’Italie et l’Espagne sont les plus touchés avec un registre journalier avoisinant les 1000 morts.

L’UE, l’OMS, le FMI, L’ONU et toutes les organisations internationales se réunissent pour trouver une réponse rapide et coordonner la crise. A chaque rencontre, ils sont unanimes sur le fait que l’heure est grave mais aucune solution commune n’est trouvée à un moment où le monde a plus que jamais besoin d’union.

Toutefois il y’a un point de concorde, c’est le berceau de l’humanité, mère Afrique, mère de toutes les souffrances qui selon ces différentes organisations, court un grand danger au vu de la vitesse de propagation de ce virus dans le reste du monde. Ce raisonnement tient du fait que les pays développés mieux préparés économiquement, scientifiquement, s’appuyant sur un système de santé ultra perfectionné n’ont pu contrôler l’évolution de la maladie. Bien plus, les morts se comptaient par milliers sur le vieux continent, allant même jusqu’à dépasser ceux enregistrés en Chine foyer de l’épidémie.

Passèrent jours, semaines, mois et rien de ce qui  fut prédit ne se produisit, certes il y eut des cas de contaminations et même de morts, bien loin de cette chronique mortifère annoncée. Oui ! l ’Afrique a déjoué tous les pronostics, elle résiste malgré l’indiscipline de ses populations, la faiblesse des moyens de protection, le manque d’organisation mais surtout la légèreté des plateaux techniques de ses hôpitaux. Oui en Afrique, à ce jour on compte en moyenne 1000 cas par pays pour un taux de mortalité de 2% parmi les malades, alors qu’en Europe et en Amérique on a une moyenne de plus de 40000 cas par pays pour une mortalité avoisinant les 6%. On en vient à se demander comment résiste l’Afrique ?

Plusieurs hypothèses sont émises :

La chaleur : certains chercheurs pensent que le Covid19 y serait sensible Comme beaucoup de virus qui s’attaquent aux voies respiratoires. Ceux-ci se porteraient mieux lorsque la température est basse, un peu comme les aliments qui se conservent mieux quand ils sont au réfrigérateur. L’explication, c’est que le virus est entouré d’une couche de lipides, donc de graisses. Et quand la température augmente, cette couche protectrice se détruit et le virus meurt.

Le système immunitaire : une étude menée pendant quatre (4) ans et publiée dans la revue ¨^Cell^¨ en 2016 par des chercheurs du CNRS et de l’institut Pasteur démontrent que les Européens et les Africains répondent différemment aux infections. Ce travail a été mené sur 200 Africains et Européens, les chercheurs ont séparé les gènes de la réponse immunitaire de ces patients pour arriver à cette conclusion qui a permis d’expliquer par exemple pourquoi les européens résistent mieux au lupus par exemple. Cette étude ne pourrait être établie comme lapalissade mais elle dévoile une part de vérité, et aujourd’hui on constate que les africains résistent mieux au covid19 que les européens.

Le traitement anti paludique : selon le Pr Raoult qu’on ne présente plus, les africains subsahariens résisteraient mieux à cette pandémie à cause de leur écosystème particulier. La prise habituelle de produit à base de chloroquine pourrait avoir développé chez eux des anticorps contre le covid19. Cela reste bien sûr une hypothèse.

Réellement à ce jour personne ne peut apporter une réponse scientifique à cette solidité africaine. Mais pour bon nombre d’africains, c’est une protection divine. Dans un programme de télé congolais une intervention a attiré notre attention. Un pasteur interrogé dit ceci : la corona n’est pas un virus africain, nous avons eu le nôtre Ebola, qui n’a tué que des noirs, celui-ci ne nous tuera pas autant »

Ceci nous ramène à une question que nous fit une amie espagnole il y’a peu. Serais-tu inquiet pour ce qui se passera en Afrique ? et moi de lui répondre Non, l’Afrique tout entière a moins de cas que la communauté de Madrid et l’évolution en Espagne a été exponentielle passant de 1000 au 10 Mars à 50000 au 15 Avril. Elle me retorqua, c’est tout simplement due au fait qu’on n’ait pas fait autant de test là-bas qu’ici. Et moi… bien sûr on en a fait moins que l’Espagne, qui en a fait moins que l’Allemagne, moins que les Etats unis qui en ont fait moins que la Corée du Sud. Et moi… d’accoutumé très sceptique d’ajouter, l’Afrique se défend avec ce qu’elle a, sa médecine traditionnelle, ses écorces et herbes traditionnelles, les décoctions et potages concoctés par nos grands-mères. Pour conclure je lui dis, si la maladie faisait des morts par milliers les hôpitaux et les morgues seraient débordés comme en Italie, en Espagne, en France, aux USA ; les rues seraient jonchées de corps sans vie comme le prédisait un militaire espagnol interviewé lors d’un 20h sur la chaine de télévision française TF1. Et elle répliqua en pouffant j’espère pour vous que ça ira.

Des sceptiques il y’en a beaucoup, je ne dirais pas que ce scenario déplait à beaucoup, mais beaucoup continue de penser que la propagation en Afrique est juste plus lente et comme le dit un proverbe bantu, la mangue qui doit murir même dans l’eau murira. Seul l’avenir nous dira si cette mangue murira et pourrira ou alors s’ils ont confondu une mangue à un morceau de bois qui tardera à se décomposer pendant de longues années dans la rivière. Oui il y’ a de la prépotence dans l’air, bien qu’elle soit dissimulée en altruisme. Voyez-vous lors de discours à la nation certains chefs d’états européens continuent à s’embarrasser du cas de l’Afrique qui sanitairement parlant n’est pas le continent le plus à plaindre en ce moment de crise. On se souvient d’Ebola, a-t-il autant cristallisé l’attention ? a-t-on envoyé des médecins ?  Une chose qui ne se dit jamais, c’est Cuba qui envoya des équipes sanitaires et celles-ci parvinrent à freiner l’évolution de la maladie. C’est donc étonnant en mon sens de voir la France envoyer du matériel médical en Afrique alors qu’on sait tous, la tension qui existe dans les hôpitaux français. Bien plus en ce moment c’est une lutte intense et sans merci qui se mène sur les marchés pour acquérir des gans, des masques et respirateurs artificiels. Deux exemples le démontrent à suffisance :

Le 03/04/2020 l’Espagne attend la livraison de respirateurs artificiels commandés à la Turquie, mais à la dernière minute volteface, le gouvernement turc se refuse à envoyer « du matériel de guerre en période de guerre », à cette période-là, le monde entier était angoissé au vu de l’évolution de la pandémie et du nombre de victimes. C’est le début d’une mini crise diplomatique qui sera finalement résolu quelques jours plus tard.

Entre-le 29/03 et le 02/03 trois présidents de conseils régionaux français affirment avoir été dépossédés de chargements commandés à la Chine. Sur la chaine de télé LCI la présidente de la région parisienne de l’Ile-de-France Valérie Pécresse a pourtant assuré avoir perdu un chargement de masques chinois au profit d’Américains sans préciser quelles entités, publiques ou privées, représentaient ces acheteurs. Voilà ses mots au micro du journaliste : “Nous nous sommes fait prendre un chargement par des Américains qui ont surenchéri sur un chargement que nous avions identifié”

Certes à ce jour, les tensions sur le marché ont diminué, mais le besoin reste important, sur les chaines de télé espagnoles, françaises et italiennes on voit tous les jours des travailleurs de la santé se plaindre du manque de matériel de protection. Alors comment peut-on en ces temps de disette aider des amis ? la cigale me dirait que c’est impossible, mais les relations internationales me démontreraient le contraire. De Gaulle aimait bien dire que « les états n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », analysant cette assertion on se demanderait quel est l’intérêt de ces donateurs.  Nous voulons rappeler ici à ceux qui continuent de penser que cette aide n’est pas intéressée qu’ils se trompent et nous pourrions le démontrer mais ce n’est pas le but de notre étude.  Soit, continuons. René Dumond disait « l’Afrique noir est mal partie », il l’a démontré scientifiquement dans son livre, il serait surpris aujourd’hui de voir que ce peuple porteur de tous les maux du monde est debout pendant que les puissants claudiquent face à la pandémie du siècle. C’est une image idyllique de l’Afrique qui surpasse l’occident, mais il n’en est rien, certes la pandémie a jusqu’ici épargné l’Afrique mais il n’en demeure pas moins le continent le plus pauvre. Nous avons noté des scènes dantesques dans quelques pays tels que le Kenya ou le Gabon où les populations se battaient presque pour recevoir l’aide alimentaire. Ce spectacle donnerait raison à ceux qui ont prédit le pire car ici des milliers de personnes se réunissent sans respecter les mesures de distanciations sociales ou de port de masque. Imaginez un mécène pyromane organiser des donations dans toutes les villes africaines, en quelques minutes des centaines de milliers de personnes nécessiteuses pourraient être contaminées, je ne pense pas que le fameux vaccin qu’on ambitionnait tester en Afrique aurait pu être plus efficace, mais bon… Dieu nous protège…. L’Afrique est restée le continent sur lequel l’on peut tout dire sans craindre des représailles, « le y’a bon Banania ».

Avec cette pandémie et les revirements inattendus, beaucoup d’experts de différents champs scientifiques pensent qu’un nouvel ordre mondial pourrait être mis en place. Des théoriciens du complot nous disent tous les jours à travers des vidéos sur internet que le virus serait une invention chinoise, car aujourd’hui la Chine est le grand gagnant, oui ce sont eux qui produisent la quasi-totalité des gants, des masques, et des respiratoires artificiels.  Plus sérieusement nous pensons que l’Homme devrait revoir son mode de fonctionnement, réapprendre à vivre en société et redéfinir ses priorités. Il devrait accorder plus de place à l’humanité et l’environnement dans lequel il vit au quotidien car s’il est en harmonie avec la nature, celle-ci ne produira pas autant de nouveaux virus. Comme disait Socrate, il faut remettre l’Homme au centre du débat et dans ce débat la déclaration universelle des droits de l’homme devrait être la fondation de ce nouvel édifice   et la boussole de tous ceux qui nous dirigent.

Et la place de l’Afrique dans tout ça ?

Nous pensons que le covid19 peut être une grande opportunité au niveau sanitaire pour l’Afrique comme cela a été le cas pour la ville de Paris qui développa le réseau d’égout le plus moderne au monde après la grande épidémie de choléra de 1832. En effet l’Afrique devrait s’inspirer de ce fait d’arme et lancer après cette épidémie un plan de modernisation de son système sanitaire. Ceci renvoie à la construction d’hôpitaux dignes de ce nom, pas juste des bâtiments, mais des centres hospitaliers avec du matériel de pointe dans toutes les grandes villes, des hôpitaux régionaux, départementaux et municipaux avec un plateau technique capable au moins de recevoir des patients pour des petites chirurgies. Pour une fois il faudrait aller au-delà des beaux projets sur papier qui ne se réalisent jamais. Pour que ces hôpitaux soient efficients il faudra des médecins de qualité, je ne veux pas dire que les médecins africains sont mal formés, mais il y’a encore beaucoup à faire au niveau de la formation pour être à la pointe. Il y’a un manque criard de matériel dans beaucoup de facultés de médecines et de sciences en général. Un autre pan de la santé qu’on néglige très souvent mais qui devrait être modernisé en Afrique c’est la médecine traditionnelle qui est encore l’unique utilisée par beaucoup de communauté. Le renforcement de la qualité des prestations de santé améliorera par ricochet la qualité de vie des populations et aura un impact positif sur l’économie.

Nous voulons conclure en rappelant aux dirigeants africains que notre passé ne devrait pas être un frein à notre développement car il ne détermine pas notre avenir. Certains évènements qui se produisent dans notre existence la bouleverse d’une manière irréversible, nous espérons que celui-ci modifiera positivement l’avenir collectif de « mama Africa ». Qu’une prise de conscience véritable se fera et que comme disait Kwame Nkrumah « on aura des nouveaux citoyens, dévoués, modestes, honnêtes et bien informés qui renoncent à eux-mêmes pour servir la nation et l’humanité, qui aient la convoitise en horreur et détestent la vanité, dont la force soit l’humilité, la grandeur, l’intégrité. »

Comme disait Frantz Fanon, il faut lâcher l’homme car tout problème humain demande à être considéré à partir du temps. L’idéal étant toujours que le présent serve à construire l’avenir.

Enfin, pour adoucir vos mœurs, je vous propose d’écouter le message de ces trois chansons qui sont très parlantes en ces temps de crise des valeurs.

Imagine                                                             

Wind of change

Earth song