France : Le projet StopCovid poursuit sa course cahin-caha
Le gouvernement a été contraint de retarder le débat et le vote de l’Assemblée nationale sur StopCovid, son projet d’application de traçage des contacts controversé, mais le projet continue sa course contre la montre pour pouvoir accompagner le déconfinement.
Faute de pouvoir présenter exactement les contours de l’application pour smartphones, le gouvernement a dû renoncer à organiser le vote qu’il avait promis, et à le repousser à plus tard.
Les questions de libertés publiques « me paraissent fondées. Elles doivent être posées. Elles doivent être débattues », a souligné Edouard Philippe devant l’Assemblée nationale, au sujet de cette application qui suscite des critiques jusqu’au sein de la majorité.
Mais le Premier ministre n’a pas encore lâché le projet, contrairement à la rumeur qui courait à l’Assemblée et dans la presse.
« Lorsque l’application en cours de développement fonctionnera et avant sa mise en œuvre, nous organiserons un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique », a-t-il assuré.
L’objectif d’une application mobile de traçage est de permettre à chaque utilisateur qui apprend sa contamination de prévenir tous les autres utilisateurs qu’il a croisés dans les deux semaines précédentes, pour que ceux-ci puissent prendre leurs précautions (auto-confinement, tests…).
« Difficile de prévenir celui qui a partagé votre rame de métro à 7H46 sur la ligne 12 », a souligné le Premier ministre à l’Assemblée pour présenter l’intérêt de l’application. « Vous ne le connaissez pas, il ne vous connaît pas, et la RATP ne vous connaît ni l’un ni l’autre ».
Nos smartphones peuvent en revanche garder la mémoire de tous les autres smartphones qu’ils ont croisés, grâce à la technologie Bluetooth utilisée pour faire dialoguer des appareils électroniques à courte distance.
Mais cette idée simple se heurte à de redoutables problèmes de protection de la vie privée lorsqu’il s’agit de la mettre en œuvre concrètement, et donc de conserver la trace de toutes nos rencontres.
Les organisations de défense des droits mettent en doute la possibilité pour chacun de donner un consentement « libre et éclairé » sur les implications d’un tel traçage.
« StopCovid s’annonce comme un véritable bracelet électronique passé « volontairement » au poignet des Français », ont par exemple estimé dans un communiqué commun le Syndicat national des journalistes (SNJ), le Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et l’Union syndicale solidaires.
« Un défi technique »
Après la déclaration du Premier ministre à l’Assemblée nationale, le secrétaire d’État au numérique Cédric O a assuré que les partenaires publics et privés réunis pour concevoir l’application restaient mobilisés « pour être prêts le 11 mai ».
« C’est un défi technique, et c’est un défi que nous partageons avec nos partenaires européens. Notre priorité est de prendre toutes les garanties, notamment en termes de sécurité », a-t-il indiqué à l’AFP.
Le secrétaire d’Etat français a indiqué qu’il faisait le point régulièrement avec plusieurs ministres européens concernés, notamment ses collègues italien et espagnol.
« Nous nous parlons tout le temps. Il y a un consensus assez fort » sur le fait notamment qu’il faut parvenir à une solution « interopérable » entre les différents pays, a expliqué Cédric O.
Les États européens veulent également être en mesure de « faire leurs propres choix » techniques, quels que soient ceux faits de leur côté par Google et Apple, a-t-il affirmé.
Les deux géants américains, qui contrôlent les deux grands magasins d’applications mondiaux (App store et Google Play Store), veulent proposer rapidement un socle commun pour une application de traçage de contacts, que les États qui le souhaitent pourraient ensuite personnaliser.
Paul Hermelin, président du géant informatique français Capgemini, a suggéré mardi que StopCovid puisse éventuellement se passer d’Apple, qui représente environ 15% des smartphones en circulation en France.
Source : www.euractiv.fr